Changements dans les lois et directives de l’IFRA, épuisement ou croissance des ressources, arrêts de production…
Tout cela modifie la palette du parfumeur en restreignant ou en interdisant l’utilisation de certains composants. La reformulation est devenue une pratique courante pour les parfums devenus des classiques – ceux qui ont résisté à l’épreuve du temps. Lorsqu’il s’agit de relancer une ancienne marque ou un parfum légendaire, ce type de travail minutieux est également nécessaire. Parfois, lorsque les formules ne sont plus disponibles, il faut repartir de zéro.
Le métier de parfumeur implique beaucoup de reformulations. La raison principale en est la nécessité d’adapter les parfums aux changements de disponibilité des matières premières.
Les créations récentes, en revanche, posent également un défi puisqu’elles doivent respecter les directives de l’IFRA. « Par exemple, les formulations brèves et claires de Jean-Claude Ellena, Michel Almairac ou Maurice Roucel, où chaque élément a sa place, nécessitent un travail de substitution raffiné et extrêmement précis. La période critique d’évaporation sur la peau demande beaucoup de soin et de créativité. »
Le retour des anciennes marques
Un autre défi réside dans la recréation de parfums historiques sans archives. La renaissance de maisons anciennes (telles que Teo Cabanel, Jovoy, Houbigant, Lubin, Le Galion, ou, plus récemment, Marcelle Dormoy, Maison Violet, Cherigan, Bienaimé) a accéléré cette tendance, mais certaines ont pu conserver leur documentation.
Cinquième Sens s’est récemment attelé à cette tâche. « Nous avons dû recomposer un parfum des années 1930 à partir d’un échantillon des années 1950, mais nous n’avions pas la recette originale », raconte la parfumeuse Alice Dattée. Même si la chromatographie est un outil précieux, elle reste insuffisante. « L’échantillon était ancien, » ajoute-t-elle, « et les notes de tête avaient disparu. »
Harmoniser des notes de cœur et de fond inventives est un exercice d’équilibre délicat. Ce projet de longue haleine allie études olfactives, culture et stratégie. Pour la première fois, les directives de l’IFRA ont favorisé les parfumeurs. « L’analyse de la coumarine aurait été impossible sous l’IFRA 48, mais l’IFRA 49 a permis de positionner le parfum comme un parfum mixte, bénéficiant ainsi de critères plus souples. »
Selon Alice Dattée et Suzy Le Helley, l’aspect le plus difficile de ces parfums anciens est de recréer l’impression de muscs nitrés avec des molécules modernes. Un autre grand défi réside dans l’utilisation de composants naturels, devenus très coûteux, ce qui peut nécessiter de réduire leur quantité. « Il faut alors se rapprocher autant que possible de l’essence de l’original tout en restant contemporain », explique Alice Dattée.
Patrice Revillard, du Laboratoire Maelstrom, déclare : « C’est presque de l’improvisation de reformuler des parfums vintage qui ont disparu. » Le parfumeur a relevé le défi de Panouge de reproduire L’Iris Gris de Jacques Fath (1947), un parfum devenu légendaire.
« Il était difficile de se rapprocher autant que possible de la forme originale, » ajoute Patrice Revillard, « car ce parfum est connu à partir de versions historiques qui ont évolué et macéré avec le temps. » Il a travaillé à partir de la version conservée par l’Osmothèque en l’absence de la recette originale et a complété son étude olfactive par des senteurs historiques bien préservées.
La principale difficulté était l’utilisation de la note d’eugénol, fortement restreinte par les directives européennes. Patrice Revillard explique : « C’est pourquoi notre formule est un peu moins épicée, moins ‘œillet’ que l’originale. Heureusement, grâce à l’écriture contemporaine de L’Iris Gris, nous n’avons pas eu à remplacer des notes comme les muscs nitrés, liliales ou mousse de chêne. »
Plutôt que de strictement dupliquer la recette, ce travail illusionniste réinterprète le parfum. « Nous avons eu la chance de travailler avec un budget illimité, car les parfums naturels de l’époque étaient très coûteux », ajoute Patrice Revillard, qui devra bientôt relever le défi de travailler avec un budget plus restreint, Panouge prévoyant de lancer une version plus abordable de L’Iris Gris.
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